lundi 12 février 2018

Le poète Jacques Doucet, qui nous a enchanté...

 
L'écrivain Jacques Doucet (1922-2018)

Nous avions l’habitude de le retrouver chez lui, à La Baule, dans son appartement de l’avenue du Maréchal Joffre. Il habitait à la fois près de la gare, du grand marché couvert, de l’avenue principale, qui porte le nom du général de Gaulle, mais aussi d’un hôtel où il est agréable de descendre quand on est tenté par quelques jours de vacances. Il vivait également non loin du remblai et de cette baie immense qu’il ne cessa d’admirer. Car il était fait pour admirer, et pour s’émerveiller. En cela, il était l’incarnation même du poète. 

La plage de La Baule

La presse régionale (La Baule +, Ouest-France, Presse Océan) l’a évoqué. L’écrivain Jacques Doucet s’est éteint le 8 janvier 2018 à Guérande, où il repose. Né le 7 février 1922 à Vierzon, dans le Cher, il avait 95 ans. Hormis les dix derniers jours de sa vie, il vécut, plutôt en bonne santé, dans son deux pièces ensoleillé. Même si de rares amis, ou voisins, venaient lui rendre visite, il avait un tempérament solitaire, et un caractère heureux.
Le nom Jacques Doucet peut susciter la confusion, davantage que la rivalité. On pense au couturier-mécène. On pense au peintre du mouvement Cobra. Lui, celui que nous connaissions, c’était le poète, c’était l’essayiste, c’était ce merveilleux auteur de rares livres, précieux dans une bibliothèque ou sur une table de chevet.
Jacques Doucet, La Vue seconde, "Alcarazas", Seghers, 1950

Son entrée en littérature fut remarquée, avec notamment deux recueils de poésie soutenus par la critique : Lustrales (Portes de France, Prix Paul-Valéry 1945) et La Vue seconde (Seghers, 1950). Au cours de cette période de l’après-guerre, il publia aussi des poèmes dans des revues, qui comptaient alors, comme Poésie 45, L’éternelle revue, Les Cahiers du Sud, Europe, Le Point… Il se définissait comme un poète lyrique, qui aurait aimé vivre au temps des poètes fantaisistes (Jean-Marc Bernard, Francis Carco, Tristan Derème, Paul-Jean Toulet…), pour faire partie de ce groupe. 

Jacques Doucet, La Vue seconde, "Chanson de l'eau qui court", Seghers, 1950

Jusque dans les années 1970, Jacques Doucet fréquenta à Paris quelques-uns des écrivains et poètes les plus importants de cette époque, à commencer par Aragon et Eluard, qu’il place au plus haut, mais aussi Marcel Arland, Pierre Seghers, Claude Roy… Ces rencontres lui inspireront un ouvrage, intitulé Croquis lyriques (Alizés, 2001), grâce auquel il fait pénétrer le lecteur dans l’intimité de ces êtres admirés – compagnons de son existence. Des recherches importantes le conduiront à publier aussi un essai très documenté, intitulé Apollinaire à La Baule (Alizés, 2000), livre salué notamment par Michel Déon. S’en suivra un Marie de Régnier à La Baule (Sokrys, 2012).

Jacques Doucet, Apollinaire à La Baule, Alizés, 2000
Jacques Doucet, Marie de Régnier à La Baule, Sokrys, 2012

Toute sa vie, Jacques Doucet vécut modestement. A Paris, il exerça divers métiers qui ne correspondaient pas à ses aspirations profondes. Lorsqu’il s’installa à La Baule, en 1989, et malgré une maigre retraite, il goûta pleinement sa nouvelle vie en province. Le choix de La Baule fut pour lui une évidence. Il avait fréquenté le lieu avec ses parents et ses deux sœurs dès sa plus tendre enfance, avant d’y séjourner chaque année en vacances. Il pouvait désormais y vivre pleinement. Il aimait à l’infini se promener à pied, tantôt côté océan, tantôt côté pins, parmi les myriades de villas, qu’il admirait. 

Villa dans la pinède de La Baule

Dans sa vie bauloise, bien organisée, Jacques Doucet consacra, jusqu’à la fin de ses jours, une partie de son temps à l’écriture. Cela se passait le matin. De nouveaux textes apparaissaient, tous autobiographiques. D’autres essais, sur son enfance et sa jeunesse dans le Berry, ou sur son « amour » pour La Baule, étaient travaillés et retravaillés à l’infini. Une manière parfaite de revivre sans cesse quelques-uns des moments heureux de sa vie. Il composa aussi quelques « portraits ». L’un sur son ami Henri Pichette – qui lui fit connaître Gérard Philipe. L’autre sur son amie Denise Jallais, née à Saint-Nazaire, qu’il avait été le premier à encourager, remarquant d’emblée son talent de poétesse et d’écrivain. Il ne s’était pas trompé.

Jacques Doucet, La Vue seconde, Seghers, 1950
Denise Jallais, L'arbre et la terre, Seghers, 1954

Tout en aimant profondément la vie, Jacques Doucet, dans son appartement de l’avenue du Maréchal Joffre, vivait un peu hors du temps. Son monde, clos, était avant tout constitué des livres de sa bibliothèque – dont certains avec envois prestigieux –, des correspondances échangées avec ses pairs écrivains, des dossiers littéraires patiemment assemblés sur ses auteurs préférés, enfin de ses propres écrits, dont beaucoup sont restés inédits. Il pouvait parler, des heures durant, littérature. 

L'écrivain Jacques Doucet chez lui, à La Baule, 2017

Après consultation de ses archives, chez lui, à La Baule, la Bibliothèque nationale de France estima qu’il était possible de préserver en partie ce monde, en constituant un « Fonds Jacques Doucet ». Peu avant sa mort, le poète accepta cette idée, car il savait l’honneur qui lui était fait. A présent, le site « Richelieu » de la Bibliothèque nationale conserve un « Fonds Jacques Doucet ». Il est consultable sur demande. Comme une consécration pour ce poète-ami qui dédia sa vie à la littérature. 

La plage de La Baule



 
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